La poésie n'a pas d'autre but qu'elle-même. [Terminé]

[Citation de Baudelaire...]

Un léger sourire sur les lèvres, Hatchi gagna la Salle des Oiseaux. "Très joli nom", pensa-t-elle, l'espace d'un instant; elle appréciait l'image. La danse, le chant, la poésie...Les oiseaux faisaient-ils montre de tant de qualités ? Peut être. Elle ne s'était jamais vraiment posé la question.

Enfin bref; Toujours fut-il que la jeune femme posa un premier pied, déchaussé, bien entendu, sur les tatamis de la Salle des Oiseaux. Elle fut instantanément conquise par l'atmosphère qui s'en dégageait, posant ses yeux écarquillés sur tout ce qui l'entourait. Sur la pointe des pieds, comme si elle craignait de déranger quoi que ce soit, alors qu'elle était encore la seule à être présente, la jeune femme alla exposer la dernière chose qu'elle avait écrite; les mots étaient tracés d'une écriture malhabile encore, mais au moins s'était-elle appliquée.

Citation :

Mirarenu no ?

Que vois-tu ?

Donna dikigoto nimo.

Il y a un sens caché à tout ce qui se passe.

Ame wa agatta.

La pluie a cessé.

Destin, avenir, futur,
Ici bas, aucun chemin n’est vraiment sûr,
Comme autant de routes et de choix.
Mou ikkai mou ikkai…

Encore et encore

A la fin, quelle décision sera la bonne ?
Laisse la vie décider, et prend ce qu’elle te donne.
Aujourd’hui, tu regarde encore derrière toi…
Mou ichido.

Une dernière fois.

Elle regarda un instant le papier, puis se résolut à fixer à coté son poème préféré, celui qu'elle avait composé quelques années plus tôt. Il s'agissait de celui affiché sur la porte de sa chambre, mais vraisemblablement, ici, chacun pourrait le lire à sa guise. Elle avait simplement prit soin de ne pas recopier la première partie :

Citation :

Des mots qui volent, invisibles, qui t'apaisent,
Messagers intangibles pour ces jours qui nous pèsent,
A défauts de gestes, c'est ainsi que j'offre ma présence,
Comme on souffle un baiser vers un regard lourd de sens.

Des mots qui s'évaporent, par milliers, inconnus encore,
Comme autant de cadeaux, soit brodés de fils d'or,
Soit dénués d'artifices, ils s'accommodent à ton gré.
C'est sans doute là l'un des avantages d'être aimé...

Des mots qui chantent, doucement, qui protègent,
Qui écoutent et parlent à la fois, défendent et allègent
Tout ce qu'on peut bien avoir sur le cœur...

Des mots qui confessent, et qui veulent tout dire,
En une promesse, une prière, un serment d'avenir,
Le témoin délicat d'une solitude qui se meurt...

Certes, elle avait encore des progrès à faire... Mais elle était là pour ça. Avec un sourire, poings sur les hanches, elle recula d'un pas, jaugea le tout rapidement, puis se mit à fredonner doucement ces quelques paroles au fur et à mesure de ses pensées, rêveuse.



[HRP: C'est du japonais approximatif, donc si y'a des bons traducteurs qui sont pas en accord avec ce que j'ai écrit, il ont le droit, le devoir et l'obligation de me le signaler. Promis, je mord pas ]

Son père avait appris à Hatchi à ne jamais trouver de chose plus belle que quand elle était spontanée, et désintéressée. La poésie, par exemple, ou le chant... Elle savait chanter, mais ça n'allait guère au delà. Sa voix était douce, agréable à écouter quoiqu'un peu aiguë, et touchante à sa manière par l'émotion qu'elle y mettait. Mais elle était dénuée de cette grâce qui distinguait les bonnes chanteuses des très bonnes chanteuses. L'art ne lui était guère inné, elle l'avait appris à force de patience et d'entrainement.

Le répertoire musical d'Hatchi était encore très limité; il s'arrêtait aux quelques comptines qu'elle avait apprises, enfant. Pour l'heure, elle se contentait de chantonner une histoire d'amour entre un poisson et un vieillard grincheux; l'histoire d'un homme perdu dans sa solitude et sa misère, désagréable avec tout le monde, qui décide un jour de se jeter dans le lac pour couper court à ses jours. Il trouve alors à ses pieds un poisson magnifique, qui lui ouvre les yeux sur les trésors de la vie, et la beauté de l'amour... Et le vieillard se change en poisson pour nager jusqu'à la fin de ses jours avec lui. Hatchi adorait ce genre d'histoires, elle avait grandi avec, elles étaient sa philosophie de vie. Persuadée d'être seule, elle chantait sans crainte la tristesse de l'homme, perdue dans ses pensées; si bien que son corps commença à adopter le rythme lent de la comptine, secouant tout d'abord la tête, avant de se mettre à tourner sur elle-même. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle eut la surprise de constater que quelqu'un l'observait... Quasi-instantanément, le visage rouge, la jeune femme s'inclina profondément.

-G-Gomen nasai...! Je ne savais pas que vous étiez là. Je ne vous avais pas vue...

Elle se releva en se grattant la nuque, légèrement gênée, affichant malgré tout un léger sourire.

-Je...Je peux vous aider ?

Presque malgré elle, et en dépit de toute politesse, Hatchi se prit au jeu d'étudier sa visiteuse du regard, détaillant l'expression de son visage, un air un peu...curieux, peut être ? Elle ne se souvenait pas l'avoir déjà croisée, aussi par prudence gardait-elle une attitude respectueuse.

Hatchi resta un long moment comme muette, abasourdie devant cette Ichiyo qui semblait...intimidée ? Était-ce possible que quiconque eut vraiment peu paraitre intimidé devant une fille de pêcheur comme elle ? L'idée lui était tellement absurde, que sans y réfléchir, la jeune femme éclata de rire. Il n'y avait rien de moqueur dans sa façon de rire, non, simplement... Une sorte d'incrédulité nerveuse.

-Mais je...enfin ! Il n'y a pas de problème, voyons...

Elle s'inclina à son tour.

-Je suis Hatchi, très honorée...

Amusée, elle la regarda tourner les talons, élevant un peu la voix.

-Vous ne veniez pas pour visiter la salle, Ichiyo-San...? Restez donc un peu...

-La curiosité est un défaut magnifique, assura Hatchi, le sourire aux lèvres. N'hésitez surtout pas à explorer chaque salle !

A vrai dire, elle appréciait déjà la jeune femme en face d'elle. Elle semblait sincère, de ces personnes sans artifices qui n'exagérait pas les choses et avec qui elle prenait plaisir à discuter.

-Haï, je fais partie du clan Kumagai depuis peu... Nobunaga-Sama a eu la bonté de m'offrir une place ici.

Elle sourit à nouveau, franchement.

-J'essaie de m'en montrer digne..., ajouta-t-elle en désignant les deux écrits d'un geste de la main. D'où venez-vous, au fait, Ichiyo-San ? Peut être voulez-vous que je vous montre le reste du Domaine ? A moins que vous ne souhaitez le découvrir par vous même... On ne sait jamais ce qu'on va trouver derrière ses portes !

Et elle partit d'un nouveau rire, amusée.

Hatchi inclina doucement la tête, avec un franc sourire à la remarque sur Nobunaga-Sama. Dans un sens, elle était enchantée de voir que sa bonté s'étendait non seulement sur tous les membres du clan, mais aussi sur les personnes extérieures. Elle sentit un nouveau poids peser sur ses propres épaules, celui de la gratitude et de la dette qu'elle se sentait envers les Kumagai. Elle sourit ensuite à nouveau, amusée par la remarque d'Ichiyo-San.

-Haï... Artiste, en effet. Je ne sais guère si j'aurais les talents nécessaires pour être courtisane, alors que cette place me convient, assura-t-elle en souriant, avant d'écouter attentivement son hôte raconter son histoire. Kurume ? C'est une belle ville, il parait... J'ai rencontré quelqu'un du clan Sanada, l'autre jour, qui m'en a parlé.

Elle ne put retenir un léger rire, ensuite.

-Je dois avouer..., reprit-elle en se grattant la nuque, comme à chaque fois qu'elle était gênée, que j'y perds dans toutes ces histoires d'intérêt entre les clans. Alors je me laisse glisser...

Et pour finir, la jeune femme s'inclina quelque peu.

-Iie, Ichiyo-San ! Je serais ravie de vous accompagner, acheva-t-elle en souriant. S'il y a des choses que vous souhaitez voir en particulier ? La Pagode ici même regroupe la Salle des Oiseaux, où nous sommes, mais aussi celle des Pinceaux et des Traditions, ainsi que nos chambres. Du reste... Le domaine compte lui-même, en plus du batiment principal, un Sanctuaire et un Jardin...Ainsi qu'un Dojo, quoi que je dois vous avouer que je n'y ai jamais mis les pieds.

Elle haussa les épaules, avec un simple sourire en guise d'excuse.

-Écrire et chanter ? Je doute que ce soit suffisant pour être courtisane..., répliqua Hatchi en fixant le mur, sans vraiment laisser transparaitre d'émotion.

Elle revint ensuite à Ichiyo en souriant, joignant les mains au niveau de son menton presque en trépignant d'impatience, sourire aux lèvres.

-Eh bien... Avec un peu de chance, nous trouverons peut être des artistes à coté. J'espère qu'on ne va pas les déranger..., nuança-t-elle avec un air pensif. Quant au Dojo, disons que je n'avais..guère envie d'y aller seule.

La jeune femme sembla trouver tout à coup un incroyable intérêt à fixer le sol. Mais quelques secondes après, comme horrifiée, elle redressa la tête avec un air aussi grave que possible malgré ses couleurs; quelle piètre image du Clan elle devait donner ! Elle se racla quasi aussitôt la gorge.

-Mais ils seront tous ravis de vous montrer leur travail, Ichiyo-San, j'en suis persuadée !

Ichiyo eut un petit sourire tout en acquiesçant aux dernieres paroles prononcées par Hatchi-san.

- Je l'espère en tout cas !... Tant que nous ne les dérangeons pas... Enfin... Dans ce cas... Je vous suis.

Puis elle observa plus attentivement encore la jeune femme qui lui faisait face. Elle souriait beaucoup et semblait fort sympathique. Pourtant on eut dit qu'une ombre planait au dessus de sa tête, comme une sorte de nostalgie, de mélancolie, de tristesse ou peut-être de résignation... Ichiyo n'avait jamais été très douée pour analyser les gens... Cela dit Hatchi-san l'intriguait.

La jeune habitante de Kurume n'en doutait pas, ce devait être une personne fort aimable et fort interessante. Simple de prime abord, Ichiyo ne doutait pas de la complexité finale de sa nouvelle connaissance.

Un plus grand sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle s'inclinait pour laisser passer Hatchi devant elle.

- Je suis contente de ne pas aller me ballader seule. Et c'était on ne peut plus vrai.